Parole d’expert : LE DESIGN THINKING

Le Design Thinking au service des défis organisationnels

Par Alexandra Rum-Loitière, Consultant senior CG2 Conseil

Déjà bien connu lorsqu’il est utilisé pour élaborer des produits ou des services, le Design Thinking demeure peu usité pour résoudre les problématiques organisationnelles. Pourtant, cette démarche très puissante peut s’avérer non seulement efficace mais aussi fédératrice lorsqu’il s’agit d’engager des changements internes.

Depuis les premières ébauches du concept à la fin des années soixante, le Design Thinking s’est frayé un chemin au cœur de nombreuses sociétés. La pratique de la pensée conceptuelle a notamment permis à ses adeptes de mettre sur le marché des produits et des services innovants, plus proches des préoccupations et des besoins de l’utilisateur final.

Cependant, même les organisations les plus centrées sur l’utilisateur ont encore du mal à s’appliquer leur propre médecine. Ainsi de nombreux projets internes échouent faute d’adoption et/ou de véritable réponse aux problèmes rencontrés dans l’entreprise. La cause de ces échecs et de la résistance au changement se situe très souvent à la racine même du projet.

Pour paraphraser Einstein, un problème sans solution satisfaisante est un problème mal posé. Encore trop fréquemment, le management identifie un problème à résoudre, propose une solution et valide cette solution sans que ni le problème, ni la réponse apportée n’ait été confronté à l’ensemble des parties prenantes ou à la réalité du terrain. L’inconvénient majeur de cette méthode est que plus l’ambition aura été importante, plus le projet aura été d’envergure, plus son échec sera constaté tardivement et plus ses conséquences économiques et culturelles seront importantes et durables.

Le Design Thinking apporte une approche empathique, itérative et concrète à la résolution des défis complexes que rencontrent les organisations.

En effet, le Design Thinking peut être défini comme la pensée conceptuelle et créative au service de la génération de solutions innovantes en réponse à des problèmes complexes. Il se pratique à l’aide d’équipes pluridisciplinaires et diversifiées, et en adoptant une approche centrée sur l’utilisateur. La mise en œuvre du Design Thinking pour résoudre les problèmes organisationnels nécessite toutefois de repenser les processus et les solutions technologiques internes comme des services dont les utilisateurs finaux seraient les employés et les managers devant répondre des résultats. Une fois cet état d’esprit atteint, le Design Thinking propose une méthode de design des nouveaux services en 6 étapes : empathie, définition, idéation, prototypage, test et implémentation.

Les phases d’empathie et de définition sont souvent les plus critiques et les plus mal maitrisées. L’empathie vise à s’assurer de la bonne connaissance des parties prenantes : quel sont leurs contextes, leurs enjeux, leurs craintes, leurs attentes, leurs perceptions de la problématique. La phase de définition vise à définir précisément l’objectif : Quelle difficulté doit être résolue par la solution ? Quel défi doit être relevé ? A quelles conditions pourra-t-on dire que la solution répond au besoin ? Dans quel écosystème la solution doit-elle être implémentée ? Quelles sont les contraintes à prendre en compte ? Les réponses à ces questions doivent être apportées par une équipe pluridisciplinaire faisant une large place aux parties prenantes, aussi bien managers qu’employés/utilisateurs finaux.

Le Design Thinking permet également aux organisations de tirer parti de mises en situation rapides au travers de tests de petites envergures.

Dans le cadre des problématiques organisationnelles et/ou managériales, il faudra privilégier les expérimentations impliquant les membres de l’équipe. Bien que naturelle, la mise en œuvre de tests dans ce contexte demeure sensible. Les équipes impliquées dans le design seront plus enclines à y participer. De plus les différents essais conduits, qu’ils se soldent par des réussites ou par des échecs, permettront d’accumuler à moindre frais de l’expérience et des données susceptibles d’améliorer la solution avant son implémentation finale. En effet, l’un des principes fondamentaux du Design Thinking est qu’il est toujours possible d’arrêter une itération, d’en tirer les enseignements et de reprendre le déroulement de la méthode à une phase antérieure. En outre, l’implication des managers et des employés/utilisateurs finaux dans ces itérations faciliteront la conduite du changement. Les parties prenantes seront plus promptes à accepter et à promouvoir une solution sur laquelle elles ont eu prise.

Attention, il serait cependant périlleux de croire que la méthode suffit et que le Design Thinking transformera toutes vos équipes en designers.

Le Design Thinking repose sur les principes d’empathie, de transparence et de collaboration. L’empathie demeure souvent une compétence à muscler. Par empathie, il est entendu reconnaissance et compréhension des sentiments et émotions d’un autre individu. Cette compétence peut être difficile à développer au travers des nouvelles technologies. Les écrans et les formats d’échanges courts ont tendance à amoindrir les indices non verbaux. Développer l’empathie dans le cadre d’interactions physiques est primordiale tant pour la bonne compréhension des besoins de l’utilisateur final que pour permettre la collaboration transparente entre des parties prenantes. Ceci est d’autant plus important que dans la résolution des problématiques organisationnelles les parties prenantes entretiennent souvent des liens hiérarchiques. Pour que la démarche se révèle vraiment efficace, il est nécessaire de se faire accompagner et de laisser aux équipes le temps de se connaitre en tant que groupe et en tant qu’individus au travers par exemple d’initiatives répétées portant sur des sujets à plus faibles enjeux.

Que votre entreprise soit déjà rompue ou non à la pratique du Design Thinking, lancez-vous en interne, musclez votre empathie et votre tolérance au risque. Après tout, les échecs ne sont que les répétitions nécessaires au succès.